Le plan local d’urbanisme (PLU) de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) contient les règles d’urbanisme qui déterminent notre cadre de vie à Illkirch Nord. Le PLU, approuvé le 16 décembre 2016, a été plusieurs fois modifié (23 mars 2018, 27 septembre 2019) et révisé (27 septembre 2019).
Cependant, il faut savoir que le PLU est loin d’être la seule norme applicable.
Ainsi, il faut tenir compte également du programme d’orientations et d’actions (POA), dont la dernière version date de septembre 2019. On peut y lire (page 19) pour notre commune un objectif de 5 000 nouveaux logements, soit une production moyenne de 330 logements par an, objectif officiellement inchangé en juin 2021.
Mais ce n’est pas tout, car le PLU doit encore respecter les « documents cadres locaux » : PDU, projet d’aménagement et de développement durables (PADD) du 27 septembre 2019 de l’EMS, les orientation d’aménagement et de programmation (OAP) de l’EMS, mises à jour en juin 2021 (voir les pages 115 à 124 concernant le Baggersee, dont on peut voir une synthèse sur la page du site de l’EMS consacrée à la ZAC Baggersee), et le Plan Climat 2030 de l’EMS… notamment !
Et comme si cela ne suffisait pas, le PADD est devenu le PAS (Projet d’Aménagement Stratégique). Une cinquantaine d’élus du territoire du SCOTERS se sont réunis le 14 juin dernier au château d’Osthoffen pour discuter de ce PAS. Une brochure permet de se faire une idée des nouvelles orientations. Il y est question notamment de développement mesuré, de santé et de qualité de vie. Dans le jargon administratif inimitable qui est le propre de ce genre de documents, cela donne par exemple : « Poursuivre les efforts locaux de limitation de la consommation foncière et définir une réelle stratégie foncière territoriale, pour un usage qualitatif et sobre de la ressource sol« . Officiellement, l’objectif consiste à « assurer la protection et la valorisation des ressources » et de « promouvoir une agriculture diversifiée, de qualité et au plus près du consommateur« .
De plus, « au-dessus » du PLU, on a le schéma de cohérence territoriale de la région de Strasbourg (SCoTERS), approuvé le 1er juin 2006 et modifié quatre fois depuis lors, afin de tenir compte de l’évolution du Code de l’urbanisme. Une cinquième révision, débutée en 2018, est encore en cours. L’année 2019 a été consacrée aux débats entre élus, ce qui a abouti à l’élaboration d’une note de synthèse. La phase finale, en 2023, est consacrée à la consultation avant l’approbation du projet.
Dans son courrier du 1er avril 2021, Mme Pia IMBS, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, a exposé la position suivante : « le secteur du Baggersee est identifié à la fois dans le Schéma de cohérence territoriale de la région de Strasbourg et dans le Projet d’aménagement et de développement durables (PADD) du PLU de l’Eurométropole, comme un des pôles urbains stratégiques à développer dans le but d’équilibrer l’espace urbain ». Cela veut-il dire que les champs du Baggersee n’échapperont aux pelleteuses des promoteurs immobiliers qu’à la condition de modifier le cadre normatif actuel ? Après tout, la présidente de l’EMS considère, pour reprendre ses termes, que le secteur du Baggersee (et les champs qu’il contient encore) représente « un pôle urbain à développer dans le but d’équilibrer l’espace urbain » (au détriment, sans doute, des champs du Baggersee).
Cependant, en réalité, ni le SCoTERS ni le PADD du PLUi n’énoncent une quelconque obligation de « développer » le secteur du Baggersee.
En effet, si le SCoTERS considère le secteur du Baggersee comme un « pôle structurant d’agglomération » (voir pages 23, 37 et 38 de la notice de présentation), c’est uniquement en raison de la présence de l’hypermarché Auchan et de son attractivité.
« L’armature commerciale » du Baggersee est ainsi qualifiée, dans le SCoTERS, de « pôle structurant d’agglomération » en raison de 3 caractéristiques : « 1°) Concentration de plus de 50 unités marchandes autour d’une locomotive alimentaire dont la surface est supérieure à 6 000 – 7 000 m². 2°) Echelle de rayonnement métropolitain. 3°) Equipement généraliste : alimentaire, équipement
de la personne, de la maison… ».
Dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du SCoTERS, dont la dernière mouture date du 22 juin 2021, le secteur du Baggersee est qualifié de « zone d’aménagement commercial d’agglomération » (p. 38 du DOO), en précisant que « l’évolution de ces pôles doit se faire par densification, sans extension du périmètre actuel de ces zones ». Il en résulte qu’au niveau du SCoTERS, seule a été envisagée une densification des unités commerciales dans le secteur du Baggersee, au niveau de l’hypermarché Auchan. Il était également question d’améliorer la desserte de cette zone commerciale par les transports en commun (la « ligne transversale E » du tram est expressément mentionnée page 50) et la mobilité douce. Il ne s’agissait pas de construire des logements.
Toujours dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoTERS, il est souligné que :
Les documents d’urbanisme concernant la première couronne strasbourgeoise [à laquelle appartient Illkirch-Graffenstaden] doivent prendre en compte les espaces agricoles périurbains, afin de garantir un équilibre entre espaces urbanisés et espaces naturels et de valoriser le potentiel de l’agriculture vis-à-vis du tourisme et des loisirs.
En réalité, c’est au niveau du PADD, le projet d’aménagement et de développement durables (27 septembre 2019), clef de voûte du PLUi, que le site du Baggersee est défini comme un « site majeur dans l’espace métropolitain » qui « complète l’offre métropolitaine ». Le « secteur Baggersee à Illkirch » est cité dans le PADD (orientation n°4 : construire le patrimoine de demain) comme un « projet urbain » qui « participe à la promotion de formes urbaines et architecturales innovantes, pour renforcer l’identité du territoire ». Pour autant, le PADD ne précise aucunement en quoi consiste ce « projet urbain ».
S’ils n’évoquent plus exclusivement le développement et l’amélioration de la desserte de l’hypermarché Auchan comme le fait le SCoTERS, les termes (très vagues) du PADD ne mentionnent pas non plus spécifiquement la construction de logements. Ainsi, le PADD énonce que le secteur Baggersee est un « site potentiel pouvant accueillir des activités métropolitaines ». Sur la carte, il figure comme « site susceptible d’accueillir des équipements métropolitains ». Le PADD semble ainsi proposer de développer des activités et des équipements sur le site du Baggersee, sans préciser ni quoi ni où ni quand ni comment.
C’est en fait uniquement au niveau des OAP contenues dans le PLUi que les choses se précisent. Là, le secteur du Baggersee est décrit comme un « site au potentiel foncier élevé d’autant plus stratégique que l’Eurométropole de Strasbourg est propriétaire de la grande majorité des terrains ». Et d’en conclure que « le secteur Baggersee (anciennement dénommé « Fronts d’Illkirch »), (…) a vocation à accueillir de l’habitat, des équipements et des services » (Orientations d’aménagement et de programmation, secteur d’enjeux d’agglomération « Baggersee » – Un nouveau quartier à l’échelle de l’agglomération, dossier approuvé le 25 juin 2021, p. 116).
Précisons que l’OAP Baggersee peut être modifié dans le cadre d’une procédure de modification du PLUi, sans qu’il soit besoin de passer par la procédure (plus lourde) de révision.
En ce qui concerne plus particulièrement les logements, l’OAP Baggersee précise que « le nombre de logements à produire, ainsi que le taux de logements locatifs sociaux doivent se référer aux objectifs de production inscrits dans l’orientation d’aménagement et de programmation « Habitat » » (p. 3 à 11 du même document).
À cet égard, l’orientation générale du PADD repose sur une ambition de croissance de 50 000 habitants supplémentaires « à l’horizon 2030 » dans l’Eurométropole de Strasbourg. Cet objectif de croissance démographique est repris dans le PLUI, qui précise qu’ainsi, la population de l’agglomération sera portée à 520 000 habitants (p. 17 du tome 4 du PLUi). Or, il faut savoir que, selon le site web de l’EMS, la population de l’Eurométropole s’élevait déjà à presque 506 000 habitants en 2018, et à 510 718 habitants en 2019… On imagine qu’en 2022, on ne doit pas être loin d’avoir atteint l’objectif.
Enfin, le nouveau ScoTERS, prévu pour 2023, devra être mis en conformité avec le SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), adopté le 22 novembre 2019 et approuvé le 24 janvier 2020.
Or, dans le cadre de son objectif 6 (« protéger et valoriser le patrimoine naturel et la fonctionnalité des milieux et les paysages »), le SRADDET énonce qu’« il convient de préserver la biodiversité ordinaire et les milieux en tout lieu » notamment par des actions permettant de « limiter et optimiser la consommation d’espace afin de garantir le maintien des terres agricoles et naturelles, supports de la biodiversité » et de « préserver les paysages et leur caractère typique ».
Une fois le nouveau SCoTERS approuvé (en 2023 ou 2024), le PLU de l’EMS devra être rendu compatible avec celui-ci, afin d’intégrer en cascade les objectifs et règles du SRADDET.
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Il s’agit d’un objectif à atteindre en 2050 sur trois tranches de 10 ans, c’est-à-dire au même train que toutes les mesures censées répondre à « l’urgence » climatique…